Depuis plusieurs années, nous entendons parler des gaz à effet de serre (GES) et de leur impact sur les changements climatiques. Au cours des dernières années, une multitude de solutions ont vu le jour pour réduire les émissions de GES.
Une des solutions dont on entend de plus en plus parler est celle du séchage des grains à la biomasse. Des subventions sont actuellement disponibles au Québec et au Canada pour accélérer son adoption. Mais au-delà de cette nouvelle technologie, qu’en est-il vraiment ?
Dans cet article, nous présenterons des éléments qui vous aideront à mieux comprendre ce qu’est la biomasse, ses avantages pour le séchage des grains, sa valeur économique et son impact agroenvironnemental.
Comme on dit, c’est en faisant le tour du sujet qu’on est en mesure de se faire une tête sur le projet !
Qu’est-ce que la biomasse ?
La biomasse est une matière organique d'origine végétale qui peut être utilisée comme source d'énergie. Elle comprend une large variété de matériaux, tels que le bois, les résidus agricoles et même certaines cultures spécialement cultivées pour la production énergétique.
Parmi les principaux types de biomasse, on retrouve :
Le bois et les résidus forestiers, comme les bûches, les copeaux, les granules de bois, les sciures et autres résidus issus de l'industrie forestière.
Les résidus agricoles, comme la paille, les tiges de maïs, le son de maïs, la bagasse de canne à sucre, les coques de riz, etc.
Les cultures énergétiques, comme les plantes cultivées spécifiquement pour la production d'énergie, telles que le miscanthus, le panic érigé et les arbres à croissance rapide comme les peupliers et les saules.
À titre d’exemple, le panic érigé a une capacité de rendement de 8 à 16Tm/Ha au Québec, voire potentiellement 20 Tm/Ha lorsque cultivé de façon intensive dans des conditions de culture idéales. Avec une valeur énergétique de 17 MJ/kg de matière sèche, le panic érigé se compare à la biomasse forestière dont la valeur énergétique se situe entre 12 et 18 MJ/kg.
Pour plus de détails sur la culture du panic érigé, consultez le "Guide de production du panic érigé" produit par le Réseau des plantes bio-industrielles du Québec (RPBQ) publié en janvier 2018.
Vous pouvez également consulter les capsules sur le Panic érigé réalisées par le Réseau des Plantes Bio-industrielles du Québec (RPBQ) et le Centre de recherche sur les grains inc. (CÉROM).
D'autres cultures, comme le Miscanthus, gagne en intérêt par son potentiel de production, mais également par sa valeur énergétique et la simplicité de la récolte.
Quels sont les avantages de sécher du maïs à la biomasse ?
Le séchage du maïs à la biomasse présente plusieurs avantages économiques et environnementaux. Notamment la réduction considérable des coûts énergétiques qu’offre la biomasse, la possibilité de produire sa propre biomasse, la valeur agronomique des cendres (NPK), la stimulation de l’économie locale et la réduction de l’impact environnemental.
Avantages économiques
La réduction des coûts énergétiques est particulièrement appréciable. À titre d’exemple, la conversion du propane à la biomasse pour un séchoir à grains permet de réduire la facture énergétique de 80 %. Cela permet également de stabiliser le coût de séchage, car le prix de la biomasse est généralement plus stable que celui des combustibles fossiles. Cependant, le coût d’acquisition d’un système de chauffage à la biomasse est relativement élevé.
Les systèmes de fournaise modernes à la biomasse sont de plus en plus efficaces et peuvent être adaptés pour différents usages, comme pour le séchage des grains et le chauffage de bâtiments agricoles (poulailler, garage, etc.).
Les agriculteurs peuvent également utiliser des matières premières locales pour produire de l'énergie, réduisant ainsi leur dépendance aux sources d'énergie importées. Ils peuvent, par exemple, valoriser la biomasse forestière, les résidus de récoltes, ou même cultiver des plantes spécifiquement destinées à la production de biomasse.
L’utilisation de produits locaux permet de réduire le coût de transport tout en stimulant l’économie locale et en réduisant l'empreinte environnementale.
Facilité et efficacité de séchage
Contrairement à ce que l’on pourrait penser, les systèmes de séchage à la biomasse se sont beaucoup raffinés ces dernières années. Aujourd'hui, il est possible d’avoir une fournaise complètement automatisée, de l’alimentation en biomasse jusqu’à la gestion des cendres. Ces systèmes 100 % automatisés viennent donc concurrencer parfaitement les systèmes traditionnels au propane et au gaz naturel.
Historiquement, les fournaises à la biomasse disposaient d’un échangeur de chaleur pour transporter l’énergie produite vers le séchoir à grains. Bien que ces systèmes d’échangeurs de chaleur aient leur place pour les bâtiments de ferme (poulailler, garage, etc.), ils sont peu appropriés pour les séchoirs à grains.
Étant donné que le séchage des grains demande une grande puissance de chauffage et une bonne rapidité d’opération, des compagnies comme Les Produits Triple Green ont développé des fournaises spécialement conçues à cet effet. Par exemple, le BioDryAir de Les Produits Triple Green est une fournaise sans échangeur de chaleur, où la sortie de la chambre à combustion (à près de 2000 degrés Celsius) est mélangée avec l’air extérieur puis dirigée vers le séchoir à grains.
L’air qui est acheminé au séchoir (à près de 400 degrés Celsius) est mélangé avec l’air poussé par le système de ventilation du séchoir (avec les brûleurs éteints) pour atteindre la température de chauffage désirée (généralement entre 170 et 220 degrés Fahrenheit). À ce jour, seuls les systèmes de fournaise à chauffage direct sont appropriés pour les séchoirs à grains.
Stimulation de l’économie rurale et réduction de l'empreinte environnementale
Dans les prochaines années, il est clair qu’une nouvelle économie se développera autour de la biomasse. La disponibilité des énergies fossiles sera de plus en plus difficile et la biomasse s’inscrit parfaitement comme source d’énergie de remplacement. Cette nouvelle économie stimulera le développement d'infrastructures pour la production et la gestion de la biomasse et créera des emplois dans les diverses zones rurales du Québec.
La biomasse est considérée comme une source d'énergie renouvelable. En brûlant de la biomasse, le CO2 libéré est généralement équilibré par celui absorbé par les plantes pendant leur croissance, ce qui peut contribuer à une réduction nette des émissions de GES.
L'utilisation de résidus agricoles ou forestiers pour la production de biomasse permet de valoriser des déchets qui, autrement, seraient laissés à se décomposer. Ce qui en soit génère des GES sans convertir la valeur énergétique (ex: le méthane est le plus gros contributeur de GES à partir de la décomposition de la biomasse).
Avantages agronomiques
Les cendres résultant de la combustion de la biomasse peuvent être utilisées comme amendement pour améliorer la fertilité du sol, fermant ainsi le cycle des nutriments et améliorant le sol. Les espèces cultivées, comme le panic érigé, ont également démontré des avantages notables pour l’amélioration des sols.
Valeur énergétique du propane versus la biomasse forestière
La comparaison de la valeur énergétique du propane et de la biomasse forestière met en lumière les différences significatives entre ces deux sources de combustible en termes d'efficacité énergétique.
Valeur énergétique du propane
Le propane est un hydrocarbure avec une haute densité énergétique. La valeur calorifique inférieure (PCI) et la valeur calorifique supérieure (PCS) sont couramment utilisées pour exprimer l'énergie libérée lors de la combustion.
Valeur calorifique supérieure (PCS) du propane : environ 55 MJ/kg
Valeur calorifique inférieure (PCI) du propane : environ 46 MJ/kg
La PCI est généralement utilisée dans les calculs énergétiques pour tenir compte de la perte d'énergie due à la vapeur d'eau formée lors de la combustion.C'est-à-dire qu’une partie de l’énergie disponible est utilisée pour évaporer l’eau de la combustion. Donc en utilisant la PCI, vous travaillez avec l’énergie disponible.
Valeur énergétique de la biomasse forestière
La biomasse forestière a une densité énergétique plus faible que le propane. La valeur énergétique de la biomasse peut varier en fonction de sa composition et de son contenu en humidité. Voici quelques valeurs typiques pour la biomasse forestière séchée :
Valeur calorifique supérieure (PCS) de la biomasse forestière : environ 13-20 MJ/kg
Valeur calorifique inférieure (PCI) de la biomasse forestière : environ 12-18 MJ/kg
La valeur calorifique de la biomasse dépend de son contenu en eau. Pour la biomasse séchée (environ 10-20 % d'humidité), ces valeurs peuvent être utilisées comme références.
Comparaison des valeurs énergétiques
Source d’énergie | PCS | PCI |
Propane | 55 MJ/kg | 46 MJ/kg |
Biomasse forestière | 13-20 MJ/kg | 12-18 MJ/kg |
Analyse comparative
Le propane a une valeur énergétique nettement supérieure (46 MJ/kg) à celle de la biomasse forestière (15-18 MJ/kg), ce qui signifie qu'il est plus efficace pour produire de l'énergie par unité de poids. En comparaison, il faudra brûler 3 fois plus de poids de biomasse forestière pour produire la même quantité d’énergie.
Coût énergétique du propane versus la biomasse forestière
Comparer le coût énergétique du propane à celui de la biomasse forestière nécessite d'examiner à la fois le coût par unité d'énergie et l'efficacité de l'utilisation de chaque combustible. Voici donc une analyse détaillée de ces coûts :
Coût énergétique du propane
Le coût du propane varie en fonction des marchés locaux, des saisons et des quantités achetées. En général, le prix du propane peut être estimé de la manière suivante :
Prix du propane : environ 0,40 $ à 0,60 $/L
Pouvoir calorifique inférieur (PCI) du propane : 46 MJ/kg
Pour convertir le prix en coût par unité d'énergie, nous devons connaître la densité et le contenu énergétique du propane.
Densité du propane liquide : environ 0,515 kg/L
PCI du propane : 46 MJ/kg
Calcul du coût énergétique du propane :
1 litre de propane = 0,515 kg
1 litre de propane = 0,515 kg × 46 MJ/kg ≈ 23,69 MJ
Si le prix du propane est de 0,50 $/L (une valeur moyenne),
Coût par MJ = 0,50 $ / 23,69 MJ ≈ 0,021 $ par MJ
Coût énergétique de la biomasse forestière
Le coût de la biomasse forestière dépend de plusieurs facteurs, notamment du type de biomasse, de son humidité, de la disponibilité locale, des coûts de transport et de préparation. Une estimation moyenne pourrait être la suivante :
Prix de la biomasse forestière : environ 60 à 90 $/Tm
Pouvoir calorifique inférieur (PCI) de la biomasse forestière : 12-18 MJ/kg
Pour simplifier, utilisons une valeur moyenne :
PCI de la biomasse : 12 MJ/kg
Calcul du coût énergétique de la biomasse :
1 tonne métrique de biomasse = 1000 kg × 12 MJ/kg = 12 000 MJ
Si le prix de la biomasse est de 60 $ CAD par tonne,
Coût par MJ = 60 $/Tm / 12 000 MJ ≈ 0,004 $ par MJ
Analyse comparative
Coût par unité d'énergie :
- Propane : Environ 0,021 $(CAD) par MJ
- Copeau de bois à 60 $/Tm : Environ 0,004 $(CAD) par MJ
- Copeau de bois à 90 $/Tm : Environ 0,0075 $(CAD) par MJ
Efficacité de combustion :
Les systèmes de combustion du propane sont généralement plus efficaces (environ 85 % à 95 %) que ceux de la biomasse (environ 60 % à 80 %... le BDA est de 95 à 97 %), ce qui peut influencer les coûts réels pour obtenir la même quantité de chaleur utile.
Seules les fournaises à la biomasse spécialement conçues pour le séchage des grains peuvent atteindre des performances égales à celles des systèmes au propane traditionnel.
L’efficacité des fournaises à la biomasse est grandement influencée par le taux d’humidité présent dans la biomasse utilisée. Plus le produit est sec, plus la valeur énergétique est élevée.
Type de biomasse | Valeur énergétique (MJ/kg) | % d’humidité | Coût ($/Tm) |
Copeaux de bois humide | 12,0 | 33 % | 60 |
Copeaux de bois sec | 15,0 | 13 % | 100 |
Panic érigé | 17,0 | 13 % | 48-68 |
Granule de bois | 18,0 | 8 % | 225 |
Tableau comparatif des valeurs énergétiques de biomasse selon leur taux d’humidité
Coût total d'utilisation :
- Propane : Plus cher par unité d'énergie, mais plus facile à gérer et à brûler de manière efficace.
- Biomasse : Moins chère par unité d'énergie. Nécessite souvent des systèmes de combustion plus complexes et un peu plus de travail pour la gestion du transport, mais une fois installé, n'est pas plus compliqué que le propane.
Bilan
Le coût énergétique du propane est nettement plus élevé (plus de 5 fois) que celui de la biomasse forestière lorsque l'on considère le coût par MJ. Cependant, l'efficacité de la combustion et les coûts d'infrastructure et de gestion doivent également être pris en considération dans l'évaluation globale des coûts.
Pour des applications où la simplicité, la propreté et l'efficacité sont prioritaires, le propane peut être préféré malgré son coût énergétique plus élevé. En revanche, pour des solutions durables et économiques, particulièrement dans des contextes ruraux ou dans des installations à grande échelle, la biomasse forestière pourrait offrir des avantages significatifs en termes de réduction des coûts et d'impact environnemental.
Quelle est la valeur agronomique (NPK) des cendres forestières ?
Les cendres forestières, issues de la combustion de résidus de bois et d'autres matières organiques, sont souvent utilisées comme amendement du sol en agriculture et en sylviculture en raison de leur contenu en nutriments essentiels.
La valeur NPK (Azote, Phosphore, Potassium) des cendres forestières peut varier en fonction de plusieurs facteurs, y compris le type de bois brûlé, la température de combustion et d'autres conditions spécifiques. Toutefois, une estimation générale de la valeur NPK des cendres forestières est la suivante :
Composition typique des cendres forestières :
Azote (N) : Très faible, souvent inférieur à 1 %. L'azote est généralement volatilisé sous forme de gaz lors de la combustion, ce qui laisse les cendres avec un contenu en azote négligeable.
Phosphore (P2O5) : Environ 1 % à 3 %. Le phosphore reste sous forme de phosphate dans les cendres et peut être utilisé par les plantes.
Potassium (K2O) : Environ 3 % à 8 %. Le potassium est généralement présent en quantités relativement élevées dans les cendres et est facilement disponible pour les plantes.
Autres nutriments :
En plus de l'azote, du phosphore et du potassium, les cendres forestières contiennent d'autres nutriments bénéfiques pour les plantes, tels que :
Calcium (CaO) : 20 % à 30 % ou plus. Le calcium est un constituant majeur des cendres et aide à neutraliser l'acidité du sol.
Magnésium (MgO) : 1 % à 5 %. Le magnésium est important pour la photosynthèse.
Oligo-éléments : Les cendres peuvent également contenir des traces de micronutriments, tels que le fer, le manganèse, le zinc et le cuivre, qui sont essentiels à la croissance des plantes.
Avantages des cendres forestières :
Bien que les cendres forestières aient une teneur faible en azote, elles sont une source précieuse de phosphore, de potassium et de calcium, ce qui les rend utiles comme amendement du sol. Grâce à leur teneur élevée en calcium, les cendres forestières peuvent aider à augmenter le pH des sols acides, améliorant ainsi la disponibilité des nutriments pour les plantes. Toutefois, il est important de déterminer le bon taux d'application pour éviter la surfertilisation et les déséquilibres nutritionnels. Une analyse de sol préalable est recommandée. Parlez-en à votre agronome !
Conclusion
En conclusion, bien que le coût d’acquisition d'un séchoir à la biomasse soit relativement élevé, si votre consommation énergétique initiale dépasse 60 000 $ par année, les économies réalisées grâce à la biomasse rentabiliseront rapidement l’investissement.
La biomasse végétale (forestière ou cultivée) s’avère donc une avenue très prometteuse pour l’agriculture, voire une révolution verte, que ce soit pour le séchage des grains ou encore pour le chauffage des bâtiments.
Contrairement au propane, le coût énergétique de la biomasse est 3 à 5 fois moins élevé et s'intègre parfaitement dans une transition énergétique plus verte. Les producteurs peuvent ainsi s'affranchir des énergies fossiles et même produire leur propre biomasse, ce qui leur permettrait d'atteindre une autosuffisance énergétique (économie circulaire) pour le séchage de leur récolte.
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